un nouveau point de chute pour mes cours

Je travaille maintenant le jeudi après midi avec des personnes adultes handicapées. je leur fait faire de la poterie. La salles est grande et claire, tout le monde est sympathique avec moi. Je remplace, au pied levé, l'animatrice de leur atelier qui s'en va, pour raisons de santé.

je me sens tout de suite à l'aise: les locaux, prévus pourl'accessibilités aux fauteuils roulants, me paraissent immences, en comparaison avec mon atelier habituel. La terre qui leur reste est sèche; je m'occupe de la casser au marteau et la réhydrater en attendant qu'arrivent les participants. pour cette première séance pour moi, ils seront 6. 3 d'entre eux s'expriment clairement, ou presque...et 3 autres doivent être décryptés. pas facile de commencer avec un pain de terre rouge chamottée, très dûre (que je m'emploie à assouplir, pour sauver la séance), des personnes qui parlent un autre langage que le mien...et je m'aperçois très vite que certains n'ont qu'une seule main de valide: l'autre manque de force ou est inerte. dans ces conditions je décide de recadrer mes objectifs: le but du "jeu" ne sera pas de produire un joli objet, mais de passer un moment chaleureux, tous ensemble, en allant à leur rythme, sans me prendre la tête...

J'essaie de passer du temps avec chacun, même si ce qu'ils font ne ressemble à rien: il faut y croire ! je réussis tant bien que mal à faire faire un cheval et un âne aux 2 + habiles, une autre, partie pour faire un chat, finit par faire un chouette petit lapin...l'un de ceux qui s'expriment avec difficulté me dit vouloir faire un taureau...booon, c'est pas vraiment ce que j'aurai choisi, mais je m'adapte: je lui fais une petite démo du bestiau: le corps puissant, les cornes le mufle, les pattes...je lui montre aussi une version moins construite, plus simplifiée et intuitive de l'animal, à partir d'un bloc d'argile, où je modèle directement la masse, en étirant l'argile pour les cornes, en donnant du mouvement...il semble fasciné. j'ai l'impression de l'avoir conquis ! je ne connais ni leur niveau ni leurs capacités personnelles...je suis pleine de confiance et même d'enthousiasme. Je passe à un autre, et nous parlons cendrier, creux, rebords....tout d'un coup, je vois mon monsieur taureau qui tape comme un malade sur la table, du plat de sa grande main, en riant . je demande: "ben, où il est le taureau? et lui, me montrant la bouse écarlate qui ventouse la table me répond en souriant: "l'est lààààà !" (c'était bien la peine que je m'emmerde à lui montrer comment faire la bestiole!), sa bonne humeur est tellement contagieuse que j'éclate de rire et je lui dit: le pauvre, il est allé se promener sur l'autoroute et il a rencontré un camion, il est devenu tout plat, ton taureau ! ils sont tous rentrés dans un délire de fou-rire d'une cacophonie épouvantable...l'un d'entre eux semblait même s'étouffer de rire...avec des cris de cochons. du coup, ça a boosté tout le monde.

Je les trouve attachants. ils sont comme des enfants dans des corps d'adultes, mais ce sont des adultes et je peux déconner avec eux, ils sont pleins d'humour. j'ai compris qu'on était plus dans le fignolage et la productivité, le but est de passer du temps ensemble pour se changer les idées et rigoler. on utilise de l'argile mais ça pourrait être n'importe quoi d'autre. j'ai décodé le truc, faut juste être bien ensemble.

Un autre monde, une autre approche, une bonne journée.